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Fairphone : « nous devrions avoir des téléphones à la fois durables et réparables »

Fairphone a fêté son dixième anniversaire en dépassant le cap du demi-million d’appareils vendus. Une goutte d’eau dans l’océan des douze-milliards de smartphones écoulés ces dix dernières années, mais combien sont encore utilisés ? La petite entreprise néerlandaise, qui promet « la durabilité à plein régime », peut se targuer que ses clients conservent leur téléphone pendant cinq ans et demi en moyenne.

Or l’indice de durabilité doit absorber l’indice de réparabilité en 2024 pour prendre en compte la robustesse et la modularité des produits. Des mots qui semblent similaires, mais décrivent deux conceptions diamétralement opposées, les téléphones robustes étant rarement très réparables et les téléphones modulaires étant nécessairement moins solides. Le Fairphone 4, plus robuste mais aussi plus intégré, montre bien cette tension.

Les clients de Fairphone réparent-ils vraiment leur téléphone ? Quel est le cout environnemental des pièces détachées ? Comment assurer la longévité matérielle et logicielle des appareils ? Pourquoi diable l’entreprise néerlandaise a-t-elle commercialisé une paire d’écouteurs qui ne sont pas réparables ? Nous avons posé ces questions à Agnès Crépet, head of software longevity & IT et porte-parole française de Fairphone.

Même si vous êtes head of software longevity, commençons par le matériel. Quelle est la part des clients de Fairphone qui commandent une pièce de remplacement pour réparer leur smartphone eux-mêmes ?

Les travaux préparatoires à la directive européenne « Ecodesign » montrent que 15 à 20 % des gens sont confrontés à un problème d’usage qui n’est pas couvert par la garantie pendant les trois ou quatre premières années de la vie d’un appareil. Ils font une bêtise, ils cassent l’écran, des choses qui peuvent pousser à changer d’appareil parce que la réparation coute trop cher. Ce chiffre concerne l’ensemble des fabricants, mais nous observons la même proportion, 15 à 20 % des clients achètent des pièces.

Au risque de me tirer une balle dans le pied, je dirais qu’il y a peut-être un biais, parce qu’il n’est pas toujours simple de faire la part des choses entre ce qui relèverait de la garantie légale et ce qui relèverait de la réparation. Nous faisons tout pour promouvoir la réparation, nous proposons 350 tutoriels, mais nous voulons aussi faire une distinction claire entre les défauts du produit et les problèmes d’utilisation. C’est très compliqué à mesurer, notamment sur les batteries.

Parce que la batterie est une pièce d’usure, mais le client pourrait très bien exiger son remplacement sous garantie parce qu’elle s’est usée plus vite que ses spécifications… ou ignorer qu’il aurait pu le faire.

Exactement. C’est un peu plus simple sur les batteries, c’est plus compliqué sur les écrans. La personne casse l’écran en faisant tomber son téléphone, elle se sent coupable, c’est évidemment un « mauvais usage ». Mais dans certains cas, des gens changent l’écran à leurs frais alors qu’ils auraient pu faire jouer la garantie légale. Il faut faire la distinction, c’est pour cela que nous avons 20 personnes à l’assistance, et cela nous coute cher, nous voulons nous assurer que personne n’achète une pièce pour rien.