La sobriété numérique est-elle envisageable ?
L’empreinte environnementale du numérique d’ici 2050 inquiète.
L’ADEME et l’Arcep ont publié, le 6 mars, le troisième volet de son enquête sur l’empreinte environnementale du numérique en France portant sur son évaluation prospective à horizon 2030 et 2050. Elles dévoilent les scénarios possibles, alors que le nombre d’équipements et de trafic de données continue d’augmenter drastiquement, et propose des solutions pour réduire l’impact environnemental du numérique pour les décennies à venir.
Le numérique : un impact environnemental important
Pour atteindre l’objectif de zéro émission de carbone net d’ici 2050, fixé dans le cadre de l’Accord de Paris, le numérique doit rendre ses usages plus sobres. L’ADEME et l’Arcep ont indiqué à Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications, que si aucun changement n’est fait d’ici 2030, « le trafic de données serait multiplié par 6 et le nombre d’équipements serait supérieur de près de 65 % par rapport à 2020, notamment du fait de l’essor des objets connectés ». En outre, cela entraînerait une hausse de 45 % de l’empreinte carbone du numérique en France, s’élevant à 35 Mt CO2eq ; de 14 % de la consommation de ressources abiotiques, tels que les métaux et les minéraux ; et de 5 % de la consommation électrique finale en phase d’usage, pour atteindre 54 TWh par an. Si les choses restent en l’état, l’empreinte carbone du numérique pourrait tripler entre 2020 et 2050.
D’après l’étude (PDF), cet impact dépend essentiellement des équipements et de leur fabrication. « Avant même que nous n’utilisions notre dernier smartphone, téléviseur ou ordinateur flambant neuf, il a déjà produit près de 80 % des émissions de gaz à effet de serre qu’il émettra sa (trop courte) vie », note le rapport. Seules 20 % de celles-ci proviennent de son utilisation. En France, chaque année, la moyenne de ressources utilisées pour la construction de ces appareils est d’environ une tonne par personne.
Quatre scénarios envisagés à l’aube de 2050
Afin de réduire l’empreinte environnementale du numérique dès 2030, l’ADEME et l’Arcep ont identifié plusieurs leviers d’action et quatre scénarios permettant d’atteindre la neutralité carbone de la France :
- Le scénario « Génération frugale » constitue en « un changement des comportements par rapport aux habitudes qui se sont installées depuis la montée en puissance du numérique ». Les deux institutions expliquent que les loisirs numériques seraient limités à un usage plus sobre tout en gardant un accès prioritaire à ceux considérés comme essentiels pour la santé, l’éducation, etc. ;
- Le scénario « Coopérations territoriales » implique une transformation de la société « dans le cadre d’une gouvernance partagée et de coopérations territoriales ». Les habitudes de consommation des services numériques seraient figées ;
- Le scénario « Technologies vertes » souligne un « développement technologique qui permet de répondre aux défis environnementaux plutôt que les changements de comportements vers plus de sobriété ». Il permettrait d’accompagner la croissance du numérique plutôt que de la freiner ;
- Enfin, le scénario « Pari réparateur » révèle une compensation des émissions de carbone « par des innovations technologiques comme la capture et la séquestration de carbone ». Les habitudes du XXIe siècle seraient conservées.
L’ADEME et l’Arcep soulignent que le scénario « Génération frugale » permettrait de diviser par deux l’empreinte carbone du numérique par rapport à 2020. Là où celui du « Pari réparateur », moins contraignant, conduirait à la quintupler. Pour faire baisser l’impact du numérique, les autorités affirment qu’il faudrait commencer par allonger de deux ans la durée de vie des appareils pour limiter leur nombre, améliorer les performances énergétiques des réseaux et des data centers et préférer les vidéoprojecteurs aux téléviseurs.
Jean-Noël Barrot a appelé, durant la présentation, à ce que « la puissance publique européenne et nationale fasse pression pour exiger un changement radical en matière d’écoconception, de durée de garantie, de réparabilité de la part des fabricants et des distributeurs ».
Le dossier de presse ADEME-ARCEP