Coup de froid sur le marché de la domotique
Xerfi vient de publier une étude sous le titre « Le marché de la domotique en France – Économies d’énergie, automatismes, sécurité… : quelles perspectives pour les segments de la maison connectée à l’horizon 2025 ? ». L’occasion de poser 3 questions à Flavien Vottero, directeur d’études, Xerfi.
La baisse inédite du marché de la maison connectée en 2022 augure-t-elle de la suite ?
Les ventes d’objets connectés pour la maison ont reflué de 2% en valeur en 2022 à moins de deux milliards d’euros. Ce repli du marché s’explique par au moins trois raisons. D’abord, les pressions sur le pouvoir d’achat ont contraint les ménages à procéder à des arbitrages de consommation. Ensuite, un effet de comparaison défavorable par rapport à une année de croissance exceptionnelle en 2021. Enfin, des ruptures d’approvisionnement ont pu limiter les ventes d’objets connectés en raison du manque de composants électroniques à travers le monde. Sous l’effet de la banalisation de la norme Matter, un standard logiciel d’interopérabilité entre les équipements, mais aussi du protocole de communication sans fil Thread, le marché de la maison connectée devrait toutefois repartir de l’avant. Après un exercice 2023 compliqué en raison du recul des transactions dans l’immobilier, il pourrait ainsi s’apprécier de 15% par an en 2024 et 2025 pour dépasser les 2,4 milliards d’euros, selon nos prévisions. Si la domotique se banalise, elle est encore loin de susciter un engouement généralisé. L’acheteur d’objet connecté pour l’habitat reste toujours un homme, propriétaire et avec un haut niveau de revenus. Le vieillissement de la population, la croissance du nombre de cambriolages et l’alourdissement de la facture énergétique constituent de puissants moteurs au développement du marché. Les économies d’énergie et la sécurisation de l’habitation sont en effet les principales motivations à l’achat d’objets connectés pour la maison.
Comment les acteurs peuvent-ils s’assurer des revenus récurrents ?
Les acteurs de la maison connectée misent de plus en plus sur la vente de services (réparation, stockage cloud, vente de divertissement…). Cela leur permet en effet d’assurer une meilleure récurrence des revenus et de mieux rentabiliser les équipements. Certains de ces services viennent compléter l’expérience utilisateur et donnent le plein potentiel aux objets connectés à l’instar des caméras et alarmes, plus pertinentes si elles sont reliées à un service de télésurveillance. Les leaders de la domotique investissent également de façon massive en R&D. Autrefois partisans des protocoles propriétaires, les domoticiens ont par ailleurs multiplié les programmes d’ouverture.
Cela a entre autres abouti au développement du protocole Matter. Lancé en novembre 2022, celui-ci doit permettre une communication entre tous les équipements domotiques qui pourront être facilement installés et pilotés depuis différentes applications. La sécurisation des équipements et protocoles est aussi une priorité centrale pour faire adopter à plus large échelle les solutions connectées. En effet, la crainte de piratage reste un des principaux freins à l’évangélisation du marché. Les opérateurs nouent aussi des partenariats technologiques pour rendre interopérables leurs systèmes et créer plus d’automatismes pour les utilisateurs.
Ces partenariats aboutissent à des propositions commerciales uniques à l’instar de celui entre Velux et Netatmo. La création d’une offre globale est ainsi la pierre angulaire de leurs stratégies de différenciation alors que les offres se sont multipliées ces dernières années. Les groupes utilisent le levier de la prise de participation ou du rachat pour développer une offre cohérente sur l’ensemble des segments du marché de la smart home.
Quels sont les acteurs susceptibles de proposer une offre globale de smart home ?
L’offre est fragmentée. Aujourd’hui, aucun opérateur n’est en mesure de fournir une offre de solutions clés en main. Le marché repose ainsi sur de multiples compétences et solutions spécifiques à des problématiques propres. Les fabricants de matériels électriques et d’automatismes sont les acteurs historiques de la domotique traditionnelle à l’image de Somfy, Schneider Electric, Delta Dore ou Hager.
Avec leurs solutions d’automatisation de nombreux éléments de l’habitat (l’éclairage ou les portes et fenêtres), ils ont été les pionniers de la domotique et, aujourd’hui, de la maison connectée. Mais les fabricants d’appareils électroniques grand public (EGP) commencent à leur tailler des croupières avec des équipements domotiques de nouvelle génération. Les concepteurs d’objets connectés pour la maison (Aqara, Eve, Nanoleaf, Netatmo, Tado, etc.) ont ainsi réussi à acquérir des compétences et à créer une véritable alchimie entre design, facilité d’usage, technologies, développement de logiciels, stratégie commerciale et services innovants. Au-delà, des fabricants diversifiés comme Samsung et Adeo (Leroy Merlin), c’est au tour d’Ikea de pénétrer le marché de la domotique.
L’idée est alors d’intégrer de la connectivité à leurs produits (réfrigérateur, lave-vaisselle…) pour proposer de nouvelles fonctionnalités, augmenter les prix des produits et profiter de l’engouement d’une partie de la demande pour la smart home. Ces acteurs jouent le plus souvent sur la force de leur marque pour attirer les clients.
Alors que certains segments de marché sont assez concentrés (thermostats), d’autres sont ultra-concurrentiels. Par exemple, les acteurs proposant des netcams pour assurer la sécurité du domicile sont de plus en plus nombreux. Il existe une forte porosité entre la gestion de l’énergie, les automatismes et la sécurité avec des dispositifs répondant à ces trois usages et des acteurs communs : Somfy, Legrand, Netatmo, Avidsen ou encore Hager.